A partir de Décembre 2010, le monde arabe a connu un ensemble de contestations populaires qui ont débouchées sur la chute de plusieurs régimes forts ; notamment ceux de Hosni Moubarak (Muhammad Hosnī Sayyid Selaaem Mubārak) en Egypte, du Président Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie, et du Guide de la Jamahiriya Arabe Libyenne Mouammar Kadhafi. Il faut rappeler que ces derniers étaient au pouvoir respectivement depuis 1981,1987, et 1969, et lesdites contestations ont été appelées « printemps arabe ».
Au-delà de ses impacts économiques, le printemps arabe a mis en exergue la volonté légitime d’une nouvelle génération de se lever contre un ordre gouvernant, en vue de garantir un avenir meilleur tant sur les plans politique (expression démocratique) qu’économique.
C’est une dynamique similaire qui est observée en Afrique de l’Ouest (prise au sens large) ces dernières années, où la puissance française est sans cesse remise en question. En effet l’on observe dans plusieurs pays des vagues de contestations, accompagnées par des choix politiques anti-français, symptomatiques de l’effritement de l’influence Française en ces zones. Lesdits évènements font penser à l’avènement d’un printemps subsaharien (par analogie au printemps arabe).
Le coup de force de Niamey
Le 26 juillet 2023, se répandait la nouvelle d’un coup de force au Niger. Aux premières heures du lendemain, le journal le monde rendait compte d’une déclaration du colonel major Amadou Abdramane, annonçant le renversement du Président Nigérien Mohamed BAZOUM. Le même journal informait que depuis deux jours, Mohamed BAZOUM faisait l’objet de séquestration avec sa famille. Cette initiative est à mettre à l’actif du « Conseil national pour la sauvegarde de la patrie ».
Au regard de la récurrence de ce type d’initiative en Afrique de l’Ouest, et compte tenu des dynamiques concurrentielles entre des puissances mondiales autour de pays de ladite région, l’on est en mesure de s’interroger sur les enjeux de ce coup de force.
Le Niger au carrefour d’intérêts stratégiques
Traditionnellement proche de la France et des pays occidentaux, le Niger est un pays du Sahel qui regorge d’Uranium et de gisements de pétrole. A ces ressources s’ajoute l’exploitation de l’Or, qui représente 8 % du PIB et environ 50 % des revenus d’exportation du pays selon la banque mondiale. Ces activités extractives sont donc centrales pour la production de richesse de ce pays, et sont à l’origine de convoitises par les plus grandes puissances de la planète.
Il faut dire que depuis quelques années, le périmètre d’influence de la France en Afrique s’effrite à vitesse croissante. Cela non seulement du fait des « offensives » (sur les plans politiques, économiques et militaires) de quelques membres du groupe des BRICS, mais surtout en raison de la montée du sentiment anti-français chez les populations Africaines.
Le Niger se retrouve donc en proie aux djihadistes, avec des puissances qui se défient quotidiennement à ses portes pour prendre possession de son sous-sol riche.
L’interrogation demeure donc de savoir si la France principalement est prête à laisser se poursuivre la saignée au Niger, dans cette sous-région ouest africaine où les coups de force ont favorisé la perte de sa première place d’antan au Mali, en République Centrafricaine, au Burkina Faso et peut être en Guinée.
Par ailleurs, doit-on rappeler que ce coup de force arrive à un moment où Evgueni Prigojine entend accélérer la percée du groupe Wagner en Afrique ? Cela est-il suffisant pour présager l’éventualité d’un duel à distance entre Wagner et la France en terre Nigérienne ?
Les feux sont-ils au vert pour entrevoir un match entre les BRICS et l’occident autour des ressources minières sur le sol du Niger ? C’est dire non seulement l’attrait qu’inspire le Niger, mais surtout les dynamiques d’affrontements que cela implique.
Une succession de putschs de Bamako à Ouagadougou
Le Mali, pays d’Afrique de l’Ouest, fait partie du groupe de pays anciennement colonisés par la France, qui ont longtemps maintenu des rapports étroits avec celle-ci. A titre de rappel historique, il faut dire que le Mali a proclamé son indépendance le 20 Juin 1960, après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (A-OF) jusqu’en 1958. C’est donc un pays très lié à la France, qui depuis plusieurs années a vu son histoire se modifier dans un sens différent de celui voulu par Paris.
En effet depuis Juin 2020, le pays est entré dans un ensemble de manifestations et contestations, menées par le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).
Ce dernier remet en cause la transparence des élections législatives de mars-avril 2020, et les manifestations initiées ont fait selon l’opposition Malienne, 23 morts et plus de 150 blessés. Cela a conduit au renversement par l’armée le 18 Août 2020, du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Ainsi at -on assisté à la formation du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qui avait entre autres objectifs, l’organisation des élections. Une période de transition de 18 mois a été négociée avec la CEDEAO, et Moctar Ouane a été désigné comme Premier Ministre.
Après la mise à l’écart des membres de l’ex-CNSP du gouvernement de Moctar Ouane, le colonel Assimi Goïta a mis « hors de leurs prérogatives » le président de la Transition et le Premier ministre de transition le 24 mai 2021, devenant ainsi l’homme fort du pays.
L’accession au pouvoir de ce dernier a orienté résolument le pays vers les Russes, le faisant ipso facto sortir du giron français. Les nombreux accords de coopération signés avec Moscou en sont la preuve. L’agence russe de l’énergie atomique, Rosatom, annonce avoir signé avec le Mali un accord de coopération pour développer le nucléaire civil. Selon Rosatom, le document porte prioritairement sur : « le développement de l’infrastructure nucléaire du Mali, la formation du personnel, des installations de recherche nucléaire et de l’énergie nucléaire, et la « sensibilisation du public à cette énergie ».
Ainsi d’autres accords ont vu le jour. Notamment ceux relatifs à la construction d’une raffinerie d’or ayant une capacité de traitement de 200 tonnes d’or par an, aux énergies renouvelables, « avec des applications dans le domaine de la médecine et de l’agriculture, et pour l’approvisionnement du pays en engrais, en blé et produits pétroliers, selon Alousséni Sanou, Ministre malien de l’Economie et des Finances.
Le Burkina Faso, pays de la même sous-région Ouest-Africaine, a lui aussi amorcé ce qu’on pourrait qualifier à juste titre de « processus révolutionnaire ou d’émancipation ». En effet en Janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba renversa le régime du Président Roch Marc Christian Kaboré par un coup d’État. Ce dernier, Économiste de formation, a eu à gérer la dévaluation historique du franc CFA en tant que Premier ministre du Burkina Faso, de 1994 à 1996. Il faut dire qu’il a également été plusieurs fois ministre sous Blaise Compaoré, et a par le passé assumé les fonctions de vice-gouverneur de la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest) jusqu’en 1982. C’est donc un homme rompu au management des intérêts français, qui a été renversé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba.
A la tête du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, le lieutenant-colonel Damiba obtient le titre de Président du Burkina Faso, suite à la prise d’un acte fondamental rétablissant la Constitution.
Après huit mois au pouvoir, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est renversé à son tour le 30 septembre 2022, suite à un coup d’État dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré.
Ce dernier a été durant ses études militant de l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), une organisation estudiantine d’inspiration marxiste. Arrivé au pouvoir et confronté à la menace djihadiste, il entreprend de mobiliser des partenaires. C’est ainsi qu’il renforce la coopération militaire avec la Russie, la Turquie, et n’exclut pas l’hypothèse de négocier avec Pyongyang pour la fourniture d’armes.
Par ces actes, le Capitaine Ibrahim Traoré consacre donc l’amenuisement du périmètre d’influence de la France dans son pays. Etant donné que la même tendance a été observée au Mali et au Niger, il est clair que la France est quasiment entrain de « perdre » son jadis pré-carré Ouest Africain. La Russophilisation de cette sous-région porte à questionnements, surtout qu’elle gagne déjà la zone d’Afrique Centrale (République Centrafricaine). La question de fond demeure donc de savoir jusqu’où iront les nations Africaines dans le processus d’émancipation.
Que peut la CEDEAO ?
Au moment de la survenue des coups d’états, la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) n’a pas ménagé ses efforts pour appliquer des sanctions. Ainsi allait-on de la fermeture des frontières aériennes et terrestres, aux embargos sur les échanges financiers et commerciaux (hors produits de première nécessité), en passant par les interdictions de voyager librement, et sanctions économiques diverses.
Face à ce véritable raz-de-marée politique qui parcoure la région Ouest-Africaine, et fort des sanctions appliquées par la CEDEAO en réponse aux coups d’états, ces trois pays ont décidé de leur retrait de ladite organisation sous-régionale en fin Janvier 2024.
Ainsi le colonel Abdoulaye Maiga, ministre Malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation déclarait : « Ce retrait nous offre une nouvelle opportunité de parvenir à une fraternité réelle sans ingérence ni manipulation extérieure ».
Tout cela serait resté sans grand intérêt s’il s’agissait uniquement d’initiatives isolées menées par des illuminés, ou des hommes en armes zélés.
Ce qui renforce notre intérêt pour la question, c’est surtout la volonté desdits leaders (Burkina, Mali, Niger) de structurer leur approche, afin de déboucher un leadership quasi-concurrent au niveau de la sous-région Ouest africaine. C’est exactement cette dynamique que porte l’alliance des Etats du Sahel (AES), un projet de Confédération entre ces trois pays.
En effet le 15 Février 2024, se sont réunis à Ouagadougou des ministres de ces trois régimes militaires, pour justement poser les bases de cette Confédération. Il s’agit de la première étape d’un processus, visant in fine à mettre sur pieds une fédération en bonne et due forme, si l’on se réfère aux résolutions de la rencontre tenue en Décembre 2023 à Bamako entre les ministres des affaires étrangères de ces pays. A cela s’ajoute la volonté de création d’une monnaie commune, idée portée par le général Abdourahamane Tiani, qui y voit : « une étape de sortie de la colonisation ». Il y a donc de l’enthousiasme autour de ce projet de confédération, et c’est fort de cela que le ministre Burkinabè de la défense, le général Kassoum Coulibaly a déclaré : « Ouagadougou nous offre l’occasion de franchir un pas supplémentaire dans la poursuite de la mise en place des instruments, mécanismes et procédures de notre alliance, ainsi que dans l’architecture juridique de la confédération envisagée par nos trois Etats ».
Ces trois régimes militaires ont toujours tenu la France pour responsable de la fragilité politique et sécuritaire de la région, mais surtout de l’instrumentalisation de la CEDEAO. C’est dans ce sens que général Kassoum Coulibaly affirma : « cette organisation régionale s’est détournée de son objectif principal d’être au service des peuples », en précisant que la décision de retrait de son pays est irréversible, là où Salifou Modo du Niger quant à lui parlait de décision irrévocable.
Récemment élu, le président nigérian Bola Tinubu, Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest se veut un chantre de la démocratie. Il est porteur d’un discours anti-coup d’états, et a eu à affirmer en marge d’un sommet tenu en Guinée Bissau : « Nous ne permettrons pas qu’il y ait coup d’Etat après coup d’Etat en Afrique de l’Ouest ».
Face à cette dynamique de coups d’états qui traverse le temps en Afrique de l’Ouest, a-t-il réellement les moyens de modifier la donne ? En termes de moyens, en plus des dispositions légales et autres armes diplomatiques sur lesquels il peut s’appuyer, le Président Bola TINUBU peut aussi mobiliser la force régionale, véritable bras armé de la communauté contre la menace djihadiste et en faveur du retour à l’ordre constitutionnel.
Pour le moment, le Président TINUBU s’est contenté d’une mise en garde à l’attention des auteurs du récent coup de force de Niamey, en précisant être en étroite consultation avec d’autres dirigeants de cette région.
La CEDEAO est donc en réalité en position d’impuissance, face à cette volonté d’émancipation portée par des Etats souverains. Elle apparaît davantage comme un outil de l’impérialisme, que comme un outil fédérateur qui œuvre en faveur du développement en Afrique de l’Ouest.
Cette succession de crise a mis ses faiblesses au grand jour, et révélé sa carence d’indépendance face aux puissances françaises et Américaines. Il est impératif que s’ouvre une réflexion sur l’indépendance des communautés sous-régionales Africaines.
La menace djihadiste en Afrique de l’Ouest
Il ne se passe plus une seule journée dans notre époque contemporaine, où les médias ne font part d’une actualité ayant trait à la menace djihadiste en général, et à ses impacts en Afrique de l’Ouest en particulier. Des initiatives ont même été mises en place par des Etats, pour justement faire face à ce phénomène international qu’est le Djihadisme. Ainsi a-t-on entendu parler de la Force Multinationale Mixte, des Centres régionaux d’excellence (pour le renforcement des capacités de recherche, d’information et d’analyse), des stratégies régionales de lutte contre le terrorisme et de prévention de l’extrémisme violent, elles-mêmes déclinées en stratégies nationales, …et plus récemment encore du G5 Sahel. Ce dernier par exemple renvoi à cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale liée aux politiques de développement, mais également aux questions de sécurité entre cinq pays (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). C’est dire toute l’énergie et les budgets, qui sont consacrés à la question de la lutte contre le Djihadisme en Afrique de l’Ouest.
Seulement, il faut également observer que la montée des actions attribuées aux Djihadistes se constate fortuitement dans des zones riches en ressources naturelles, et à des moments où généralement les intérêts de grandes puissances sont remis en question.
A titre illustratif l’on pourra citer le cas du Mali où des groupes armés djihadistes s’affrontent dans le nord du pays (AQMI, MUJAO, Ansar Dine, Al Mourabitoune, la katiba Macina aussi appelée Front de libération du Macina, Ansar al-Sharia), zone très riche en Or, à un moment où une nouvelle génération de dirigeants entend orienter le pays vers des partenaires stratégiques différents. Les cas du Niger ou du Burkina peuvent eux aussi être cités, où des groupes comme la branche d’Al-Qaida au Mali, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), ou encore l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS)et Boko Haram, sévissent.
Les actions de ces groupes s’accompagnant généralement d’exactions de toutes sortes, menaces, violences, de fermetures d’école.
Ainsi selon l’ONU, 750 écoles étaient fermées en mai 2018 dans les régions de Kidal, Gao, Ménaka, Tombouctou, Mopti et Ségou, et près de 225 000 enfants étaient privés de cours « en raison de l’insécurité ». Le rapport d’enquête de la FIDH publié en Novembre 2018 (Ref : N°727f)va plus loin, en précisant que ce chiffre est en constante augmentation depuis deux ans, notamment dans les régions de Mopti et Ségou.
Les chiffres de l’administration Malienne confirment qu’en mars 2018, près d’une école sur trois (264 sur 682) était fermée dans l’académie de Mopti. À la fin de l’année scolaire 2018, 478 écoles restaient fermées dans les régions de Mopti (464) et de Ségou (14), en raison de l’action des groupes djihadistes.
C’est donc cette coïncidence entre les zones d’action des groupes djihadistes, et périodes de remise en question des intérêts de grandes puissances dans lesdites zones, qui justifie notre intérêt pour cette réflexion.
D’où la question de savoir : le djihadisme en Afrique de l’Ouest est-il une menace réelle ou un épouvantail[1]? En d’autres termes, Au-delà de la menace qu’il représente actuellement en Afrique de l’Ouest, le djihadisme est-il par ailleurs un outil de pression, un instrument pour la sauvegarde des intérêts des grandes puissances ?
Aux origines du concept
Si pour certains le Djihad désigne l’effort que doivent faire les musulmans pour rester dans le droit chemin et combattre les ennemis de l’islam, pour le journal catholique la croix, il s’agit de tout autre chose. En effet ce journal définit le djihadisme comme une idéologie politique et religieuse, qui pousse à l’action violente pour mettre en place ou étendre un pouvoir fondé sur l’islam.
Ibrahim Yahaya Ibrahim dans son article intitulé Insurrections djihadistes en Afrique de l’Ouest : idéologie mondiale, contexte local, motivations individuelles (publié dans Hérodote 2019/1, pages 87 à 100), fait savoir que le djihadisme n’est pas nouveau en Afrique de l’Ouest. En effet dès le xixe siècle, la région a assisté à la montée des mouvements djihadistes peul ou soufis. Les cheikhs soufis du groupe ethnique peul menaient justement des djihads contre les royaumes haoussa et bambara [Idrissa, 2009, p. 30] :
« Ces premiers conflits djihadistes conduisent à la formation des empires de Sokoto (1804-1903), du Macina (1820-1862) et Toucouleur (1848-1893) ».
Il poursuit en indiquant que des islamistes et théologiens fondamentalistes ont diffusé à travers le monde une idéologie djihadiste, censée répondre aux défis auxquels font face les sociétés musulmanes contemporaines. C’est cette dernière qui parfois utilisée sur en Afrique de l’Ouest pour : « justifier la violence perpétrée contre l’État et les non-musulmans, et une contribution à la mise en place d’un califat islamique et de la charia ».
Avec la perte par l’Etat Islamique de plusieurs bastions dans le moyen orient, l’Afrique devient le refuge de nombreux djihadistes, continuant ainsi leur œuvre de destruction.
Le djihadisme comme outil de pression contemporain ?
Il faut rappeler qu’historiquement, l’Afrique de l’Ouest est une région acquise majoritairement à la France. Cette dernière a assis sa présence dans la sous-région non seulement en raison de la colonisation, mais aussi par le maintien en dépendance via le France CFA, des pays de ladite zone. La France a donc vécu son âge d’Or en Afrique de l’Ouest, faisant et défaisant des ordres politiques au gré de ses intérêts.
Il s’est donc trouvé que de nouveaux leaders nationalistes ont émergé au fil des décennies, en affirmant leurs volontés de créer un nouvel avenir pour leurs pays.
Doit-on rappeler qu’en ce début des années 2000 germent les graines d’un sentiment anti-français croissant, matérialisé au sommet de ces états par la recrudescence de mesures visant à restreindre la sphère d’influence économique de la France sur leurs sols ?
Ainsi nous avons vécu l’avènement des projets de révision de codes miniers au Burkina Faso, au Niger, au Mali (2019), en Mauritanie (2014), en République de Guinée (promulgué le 9 septembre 2011), au Sénégal (entré vigueur le 8 novembre 2016), et même en Côte d’ivoire (Mars 2014). A cela s’ajoute la montée en puissance de mouvements de la société civile et activistes divers, opposés aux dirigeants pro-occidentaux. Ainsi faisant allusion à Nathalie Yamb (une activiste suisso-camerounaise), le journal le monde s’exprime au sujet de la ligne directrice de cette dernière en ces termes : « chasser d’Afrique la France, ses intérêts, ses soldats et ses « laquais » installés dans les présidences du continent ». Ont ainsi été révélées à la face du monde, des organisations telles que le Balai citoyen au Burkina Faso, « Yérèwolo » (hommes dignes) au Mali, le mouvement M62 au Niger, Mouvement G+ ou encore Ablogui en Guinée Conakry, pour ne citer que ceux-là.
Si hier il était évident de déchoir ces leaders porteurs de projets nationalistes et révolutionnaires via des manœuvres obscures, aujourd’hui les méthodes et moyens visant à fragiliser leurs leaderships semblent avoir évolué. Ainsi le ministre Abdoulaye Diop chef de la diplomatie malienne, mentionnait un ensemble de faits forts étranges, dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité de l’ONU. En effet selon ces accusations relayées par le journal le monde, le gouvernement de son pays : « dispose de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes (…) ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant au Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions ». Lesdites « violations flagrantes » porteraient alors sur « plus de cinquante cas délibérés de violation de l’espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises ». A cela s’ajouteraient des cas « de falsification de documents de vols ou encore d’entrave à la circulation de l’aviation militaire malienne, et ce, tout au long du processus de transfert aux autorités maliennes de l’espace aérien du Nord, depuis l’annonce du retrait de “Barkhane”». Des allégations évidemment pas partagées par le général Baratz, chef de Barkhane.
Une situation similaire a été vécue au Niger, où les putschistes accusent littéralement la France d’avoir « libéré des terroristes » et violé la fermeture de l’espace aérien.
Selon BFMTV (une chaîne de télévision française d’information nationale en continu, filiale du groupe Altice Média) qui relaie cette information, les djihadistes libérés auraient ensuite : « participé à une réunion de planification d’une attaque de positions militaires dans la zone des trois frontières » entre Niger, Burkina Faso et Mali, dans l’ouest nigérien ». Le CNSP va plus loin, en accusant Paris d’être à l’origine d’un plan de déstabilisation.
Il faut par ailleurs remarquer avec Ibrahim Yahaya Ibrahim (précédemment cité) que :
« Entre 2002 et 2017, seize pays africains sont frappés par des attaques djihadistes : prises d’otages, enlèvements de civils, attaques sporadiques de casernements militaires, attentats-suicides dans des églises, des mosquées, des écoles ou des marchés, occupation de territoires, allant parfois jusqu’à vouloir imposer à ces territoires une administration djihadiste ».
Tout cela reste quand même grave, et pousse à questionner la réelle intention de ces opérations qui officiellement, ont pour objectif de lutter contre les groupes armés djihadistes en Afrique de l’Ouest.
Les prémices d’une nouvelle ère ?
Par la quasi-rupture d’avec des partenaires traditionnels, quelques Etats de l’Afrique de l’Ouest sont en train de poser les bases d’un nouveau rapport de forces. En effet ces nouveaux partenariats visent entre autres à réduire le périmètre d’influence du Djihadisme, mais surtout à soustraire résolument les Etats à cet esclavage, et de ce qu’on pourrait littéralement qualifier de « chantage au djihadisme ». Car jusqu’à très récemment, tout se passait comme si le djihadisme était le motif à brandir pour faire peur aux Etats, et les obliger à faire la volonté des grandes puissances, en faveur de la sauvegarde des intérêts de ces dernières. Cette volonté de se libérer de ce joug, a même conduit les Etats vers des partenaires para-militaires étrangers, et l’on assiste lentement au changement de camp de la peur.
Au regard de ce qui précède, il apparaît clairement qu’au-delà de la menace évidente qu’est le djihadisme (entendu comme idéologie politique et religieuse qui pousse à l’action violente), il y a des raisons de penser que ce phénomène aurait parfois fait l’objet d’une instrumentalisation pour protéger des intérêts de l’occident. Les combats autour des zones aurifères de Yanfolila (dans la commune de Wassoulou-Ballé), Bougouni, ou encore les attentats dans les zones riches en Uranium d’Agadez et Arlit, ne font que confirmer cette réalité.
Une nouvelle ère s’ouvre désormais, et l’argument du retour impératif à l’ordre constitutionnel apparaît comme le « bon prétexte » dont font usage les puissances par l’entremise de la CEDEAO, pour non seulement discréditer les juntes porteuses de projets de libération de leurs pays, mais surtout protéger des intérêts liés à l’exploitation de minerais. Nous vivons apparemment le début du crépuscule de l’instrumentalisation du Djihadisme en Afrique de l’Ouest.
La nouvelle ère est aussi marquée par cette énergie qui pousse les nouveaux leaders Africains, à s’émanciper non pas seulement de la tutelle française, mais également du quasi-diktat Américain. C’est dans ce sens que les autorités Nigériennes se sont illustrées, en poussant en faveur du départ des militaires américains de leur sol. En effet les autorités Nigériennes ont dénoncé en cette mi-Mars 2024, l’accord de coopération militaire passé avec les États-Unis il y a exactement douze ans. Acte fort, historique, mais surtout révélateur de l’avènement d’une nouvelle ère, où l’hégémonie euro-américaine est foulée au pieds. Le monde a donc changé, même dans le sahel !
En œuvrant pour le départ des Américains de cette base militaire stratégique d’Agadez, le Niger pousse les Etats Unis d’Amérique à perdre le principal moyen de garder un regard sur l’ensemble du Sahel, et même la Lybie. Car il faut dire que cette base abrite selon Radio France Internationale, une dizaine de drones MQ 9 Reaper, deux avions de renseignement électromagnétiques, deux hélicoptères de manœuvre, avec en permanence presque 700 hommes.
Si hier les Etats Unis d’Amérique sous-traitaient pratiquement à la France la gestion leurs intérêts en Afrique, la donne a résolument changé ces dernières années en raison de plusieurs paramètres, mais surtout à cause de cette émancipation généralisée des Africains.
[1] Entendu ici comme Objet, ou personne, chose, utilisé pour inspirer la terreur.
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